Bilan de la progression des apprentissages

        J’ai décidé, avant de commencer à rédiger ce billet, de relire les réponses que j’avais écrites au début de la session dans le cadre du questionnaire que nous devions remplir sur nos représentations de l’enseignement. Quelle ne fut pas ma surprise de constater que, il y a quelques semaines à peine, je considérais qu’enseigner consistait essentiellement à ce qu’une personne érudite dissémine des savoirs à des individus de façon à promouvoir la rétention de celles-ci! À la lumière de mes apprentissages, je constate aujourd’hui que j’envisageais l’enseignement à travers une lentille positiviste. En effet, j’estimais que ce travail reposait principalement sur la transmission de contenus et que l’apprentissage se résumait à une accumulation de connaissances (Leduc et Potvin-Rosselet, 2020).

Il faut dire que, avant cet automne, je n’avais jamais entendu parler du paradigme constructiviste, ni véritablement perçu cette vision de l’éducation à travers mon parcours académique. Bien que mon cheminement m’ait menée à étudier des disciplines diverses, il ne m’est pas souvent arrivé de rencontrer des exemples de pédagogie active. Le passage du paradigme positiviste au constructiviste est pourtant en marche depuis plusieurs décennies déjà (Ménard et St-Pierre, 2014). Pourquoi ce changement tarde-t-il à se concrétiser?

Au début de la session, j’aurais affirmé que cela est probablement dû au fait que les enseignant.e.s manquent de temps et de ressources. Treize semaines plus tard, je serais plutôt portée à dire, après avoir lu le texte d’Ulric Aylwin, que la perception de ces difficultés alimente la perpétuation de fausses croyances empêchant les enseignant.e.s de prendre conscience des possibilités qui s’offrent à eux en matière de renouveau pédagogique. Il semble en effet que certain.e.s enseignant.e.s estiment, par exemple, qu’iels ont trop de contenu à « passer » pour pouvoir prendre le temps de varier leurs méthodes pédagogiques (Aylwin, 1997). Pourtant, comme le souligne Aylwin, « respecter les exigences du contenu du cours ou respecter les exigences de la pédagogie active est un faux dilemme […], [cette dernière permettant] de couvrir deux à trois fois plus de matière » (1997, p. 29). En outre, l’auteur démontre qu’un.e enseignant.e qui prend le temps d’intégrer à ses méthodes des éléments de formation fondamentale, d’évaluation formative et d’enseignement correctif parvient à couvrir plus en profondeur cette quantité importante de matière (1997). La lecture de ce texte est donc venue confirmer ce que j’ai eu la chance d’apprendre tout au long de la session : varier ses méthodes pédagogiques et concevoir ses approches d’enseignement en fonction des besoins des étudiant.e.s est aussi essentiel qu’efficace pour amener ces derniers à effectuer des apprentissages significatifs qu’iels pourront réutiliser à l’extérieur des murs d’école.

Au début de mon parcours dans le PCPES, j’estimais toutefois qu’il serait difficile d’enseigner le cinéma de façon constructiviste. Or, je réalise aujourd’hui qu’il existe plusieurs façons de favoriser le transfert des connaissances en restant orienté sur les apprentissages des étudiants, et ce, peu importe le domaine enseigné. L’exposé interactif, par exemple, permet de rendre l’étudiant.e plus acti.f.ve dans ses apprentissages en introduisant, à travers la période d’enseignement magistral, des questionnements et des pauses d’apprentissage permettant aux apprenants d’assimiler la matière en interagissant avec l’enseignant.e et leurs collègues (Langevin, 2014). En planifiant ma leçon à partir de ce modèle d’enseignement, je me suis aperçue qu’il me serait particulièrement utile autant en début de carrière qu’en début de session, puisqu’il possède plusieurs similitudes avec le modèle que les étudiant.e.s et moi-même avons rencontré le plus souvent durant notre parcours académique, à savoir l’exposé magistral. Par conséquent, l’exposé interactif me permettra de bâtir ma confiance en tant que nouvelle enseignante et de développer progressivement l’autonomie des étudiant.e.s. Je pourrai ensuite avoir recours à des modèles qui me sont plus étrangers, comme la classe inversée, qui, à mon avis, sied particulièrement bien l’enseignement du cinéma, puisqu’il permet de maximiser le temps réservé aux exercices de consolidation de la matière en prenant moins de temps en classe pour le visionnement passif d’extraits cinématographiques. Je serai ainsi en mesure d’accroître la rétention du contenu chez les étudiant.e.s, d’augmenter mes rétroactions bidirectionnelles avec elles et eux et même de hausser leur niveau de motivation (Leduc, 2019).

Ma conception de l’évaluation, par ailleurs, a profondément changé au cours de la session. Alors que je considérais autrefois que la principale utilité de l’évaluation formative était de se former à l’évaluation sommative, je réalise aujourd’hui que cet outil est intéressant à plus d’un niveau, autant pour l’étudiant.e que pour l’enseignant.e. En intégrant l’évaluation formative à la séquence d’enseignement et d’apprentissage, l’enseignant.e peut effectivement établir un processus d’évaluations en continu qui lui permet d’accompagner l’étudiant.e dans ses apprentissages et, surtout, de lui donner le droit de commettre des erreurs (Leduc, 2015). Je prévois donc accorder une place importante à ce type d’évaluation à travers mes méthodes pédagogiques. Je crois effectivement que cela me permettra d’encourager la régulation et l’autorégulation de mes étudiant.e.s, de fournir et d’obtenir des rétroactions sur les apprentissages de ces derniers et, par le fait même, d’ajuster mon enseignement en conséquence.

Enfin, ce cours m’a aussi permis de prendre conscience de mes limites en ce qui a trait à mon habileté à collaborer. Comme j’entretenais auparavant un but de performance par rapport à mes études, je me suis longtemps mise beaucoup de pression afin que mes travaux atteignent un seuil de réussite que je jugeais satisfaisant. Lors des travaux d’équipe, j’accaparais donc les tâches que je croyais plus substantielles afin de maximiser mes chances d’obtenir la note que je souhaitais. Je réalise aujourd’hui que j’ai toujours cette habitude néfaste, habitude qui n’a pas sa place au sein d’un travail collaboratif, car elle fait entrave au processus d’apprentissage de mes collègues. Je dois donc apprendre à faire plus confiance à mes coéquipiers et à mieux répartir les tâches. Je crois d’ailleurs que le système « succès/échec » m’a aidée à entamer ce processus en m’enlevant la pression liée à l’obtention d’une « bonne » note.

Je conclurai ce blogue réflexif avec une remarque d’Aylwin qui m’a permis de mettre en mots la vision de la pédagogie que je souhaite transposer dans mes propres salles de classe : 

« On devrait voir le professeur […] comme un chef d’orchestre, [ce dernier ne pouvant] faire plus, pour améliorer la prestation d’un musicien, que de lui faire des suggestions sur la façon d’exécuter ses mouvements » (1997, p. 30). 

Bien que l’on ne puisse jamais éviter complètement les fausses notes, je suis convaincue que les outils que j’ai pu acquérir à l’occasion de ce cours me permettront de participer à la création d’agréables mélodies! 


Bibliographie

Aylwin, U. (1997). Les croyances qui empêchent les enseignants de progresser. Pédagogie collégiale, 11(1), 25-31. https://aqpc.qc.ca/sites/default/files/revue/aylwin_ulric_11_1.pdf

Langevin, L. (2014). L’exposé interactif, un exposé centré sur l’apprentissage des étudiants. Dans L. Ménard et L. St-Pierre (dir.), Se former à la pédagogie de l’enseignement supérieur (1ère éd., p. 57-80). Montréal : Association québécoise de Pédagogie collégiale.

Leduc, D. (2015). L’évaluation des apprentissages : Capsule 2, principes clés [vidéo]. Université du Québec à Montréal - Panopto. https://uqam.ca.panopto.com/Panopto/Pages/Viewer.aspx?id=af6b07db-0399-44fb-b7e8-96ccf4b52e89

Leduc, D. (2019). Classe inverse [vidéo]. Université du Québec à Montréal – Panopto. https://uqam.ca.panopto.com/Panopto/Pages/Viewer.aspx?id=e6e8fc90-bb40-49db-848b-ab5a016586c0

Leduc, D. et Potvin-Rosselet, É. (2020). Deux paradigmes, deux logiques [vidéo]. Université du Québec à Montréal - Panopto. https://uqam.ca.panopto.com/Panopto/Pages/Viewer.aspx?id=2b2fb663-99b3-4328-a202-ab3b0106b25d

Ménard, L. et St-Pierre, L. (dir.). (2014). Se former à la pédagogie de l’enseignement supérieur (1ère éd.). Montréal : Association québécoise de Pédagogie collégiale.

Commentaires

  1. Le fait de revisiter des billets de blogue passés a été une manière fructueuse, dans ton cas comme dans le mien, d’évaluer la progression que nous avons faite cette session-ci. Nous avons en effet opté pour un format de texte similaire, tout en abordant des sujets somme toute différents.
    J’ai trouvé intéressant que tu fasses des liens entre ta méconnaissance préalable au cours de l’approche constructiviste avec l’absence de cette approche dans ton propre parcours scolaire et académique. La conférence de Jacques Tardif que nous devions visionner au début de la session montrait d’ailleurs bien cette résistance provenant de certain-es enseignant-es face à l’approche par compétence et à des changements – de toute sorte – dans les modèles pédagogiques (Tardif, 2013). La lecture du texte du texte d’Aylwin (1997), que tu résumes très bien, montre aussi que certaines croyances persistantes limitent la mise en œuvre de certains modèles chez une partie du corps enseignant.
    Pour ma part, je n’ai pas pensé aborder la progression de mes apprentissages en ce qui a trait à l’évaluation, mais je crois que c’était très pertinent de le faire. Ton commentaire rappelle d’ailleurs bien l’importance de voir l’évaluation comme une partie intégrante du cheminement des étudiant-es et non pas seulement comme un élément certificatif.
    Dans le même ordre d’idée, ta propre prise de conscience en ce qui a trait à la collaboration permet aussi de bien montrer que cette dernière n’est pas possible seulement grâce au bon vouloir des étudiant-es pris-es de manière individuelle. Elle dépend aussi d’un contexte favorable, comme la certification sur une base succès/échec que tu donnes en exemple.
    Bref, pour toutes ces raisons, j’ai trouvé ce billet intéressant en ce qui a trait à ta propre réflexion, mais aussi aux liens entre cette réflexion et la pédagogie postsecondaire !

    Liste de références
    Aylwin, U. (1997). Les croyances qui empêchent les enseigants de progresser. Pédagogie collégiale, 11(1), 25‑31.
    Tardif, J. (2013, février 26). L’approche par compétences : Un changement de paradigme. https://www.youtube.com/watch?time_continue=1&v=PR6N6-dJvzU&feature=emb_title

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  2. Je trouve que le troisième blogue était très intéressant à faire. Selon moi, il fait prendre conscience du cheminement que nous avons fait en tant que futurs enseignants et notre évolution est surprenante. Tout d’abord, je vois plusieurs similitudes entre ton billet de blogue et le mien. Tout comme toi, j’avais une image préconçue des enseignants et des étudiants. D’ailleurs, j’ai bien ri lorsque tu avoues que tu considérais qu’enseigner « consistait essentiellement à ce qu’une personne érudite dissémine des savoirs à des individus de façon à promouvoir la rétention de celles-ci ». Je pensais la même chose que toi et de plus, je pensais qu’il s’agissait de la meilleure façon à faire. Cependant, tout comme toi, je me suis bien vite aperçu que, comparativement à ce que nous pensions, il s’agissait de la façon la moins efficace de transmettre des connaissances.
    Comme tu le mentionnes, à la lumière de nos nouvelles connaissances, il existe un éventail de méthodes d’enseignement. Elles ont toutes leurs qualités et leurs défauts. En revanche, comparativement à l’exposé magistral, elles nous assurent au moins un minimum d’activité cognitive chez les étudiants. Je les trouve tout intéressantes. Je suis d’accord avec toi lorsque tu dis que l’exposé interactif est le bon lorsqu’on commence. Selon moi, il s’agit d’un pont, ou bien d’une transition vers des méthodes plus constructivistes. Pour ma part, si on parle des méthodes plus « étranges », celle qui a gagné mon attention est l’enseignement par la classe inversée. Au tout début, j’étais sous le choc puisqu’il s’agit d’une méthode très différente d’un exposé magistral mais au fil des semaines j’ai appris à l’apprivoiser. Pour reprendre ce que j’ai dit plus tôt, c’est cette méthode qui m’a concrètement permis de changer ma vision de l’enseignement. En effet, comme je l’ai dit dans mon troisième billet, cette méthode change le rôle des étudiants. Pour reprendre les paroles de Lecoq et Lebrun, avec cette méthode, les étudiants passent de « simples éponges à savoir » à des collaborateurs cherchant à élaborer leurs connaissances (Lecoq, Lebrun, 2016). Ayant été préalablement exposés à la matière, les étudiants ont déjà un début de connaissance. Ensuite, lors du temps en classe, nous, les enseignants, pouvons travailler avec eux afin d’élaborer lesdites connaissances.
    Finalement, j’ai apprécié le moment où tu parles de ton habileté à collaborer. Ayant travaillé avec toi durant des dizaines d’heures, dans le cadre d’un autre cours du PCPES, j’ai pu moi aussi constater un certain changement dans nos interactions et je constate après réflexions qu’effectivement, tu répartis mieux les tâches. Pour finir sur une note de camaraderie, je suis content d’avoir fait ta connaissance et je pense que ce n’est que le début d’une belle collaboration, autant pour nos prochains cours ensemble que pour nos carrières d’enseignants.

    Bibliographie
    Lecoq, J., Lebrun. (2016)., La classe à l’envers pour apprendre à l’endroit. Louvain Learning Lab

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